Je veux juste raccrocher
les étoiles
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La fin des Globulus
(Conte)
Il était une fois la veille d'une fin ! Fin du calendrier Globulus ; celui d'une vieille, vieille, vieille civilisation de grenouilles. À date, seulement trois fossiles ont été retrouvés ainsi qu'une chanson. Chanson mystérieusement renfermée dans un réseau de mycélium marin.
Notre histoire se passe donc la veille de cette fin. Éli a 12 ans, grenouille timide mais allumée, sa passion est d'observer le monde qui l'entoure mais aussi et surtout les comportements très étranges des adultes.
Prenons sa mère, par exemple : à tous les matins de tous les jours, elle nettoie vigoureusement le sol sur LA chanson, celle dont je vous parlais tantôt. D'ailleurs, nos historiens l'ont répertoriée dans "principal rite traditionnel Globulus". Celle-ci faisait comme suit :
"She's a maniac, maniac on the floor, and she's dancing like she's never danced before". Éli voyait ainsi chaque matin sa mère entrer dans une transe effrayante.
Mais ce n'était pas tout. Son grand-père Lancus Armstrongus, ce grand-père qu'elle aimait tant, lui aussi commençait à délirer. À chaque matin et chaque soir de chaque journée, il grimpait sur son vieux vélo pour faire le tour de toutes les rues en criant :
"Notre nouveau monde sera spirituel ou ne sera pas."
Il pédalait, pédalait et pédalait encore, ne cessant de répéter la seule phrase qu'il avait désormais choisi de prononcer. Tout le monde le prenait pour un fou évidemment mais Éli, elle, savait. Elle savait que son grand-père savait. Et elle se répétait souvent cette phrase avant de dormir :
"Notre nouveau monde sera spirituel ou ne sera pas."
Elle essayait de déchiffrer l'énigme et son cerveau bouillonnait :
"Qu'est-ce que tu veux dire grand-père ? Qu'est-ce que tu veux nous dire ?"
Au début, elle pensait qu'il parlait du fameux spiritueux et qu'il s'était donné la mission de rappeler aux citoyens de bien prendre leur dose à chaque jour. Tout comme ces brigadiers, s'introduisant dans les maisons, toujours munis d'un petit flacon à la main, juste au cas où. Éli, elle, n'avait pas encore goûté au spiritueux, contrairement à ses parents qui, eux, prenaient trois doses quotidiennes. Chaque fois qu'une occasion se présentait, que les brigadiers arrivaient chez elle, elle était bizarrement aux champignons avec son grand-père.
Mais, ce matin-là, veille de la fin : Toc, Toc, Toc
"C'est la brigade de la fin, c'est la brigade de la fin, avez-vous eu votre dose ? C'est votre dernière chance. Vous pourriez gagner un magnifique séjour à Disney Globulus."
Éli sursauta et fut prise de panique. La voix de son grand-père résonnait dans tout son corps et son cœur qui battait à tout rompre se mit à lui parler : "Fuis le spiritueux, fuis le spiritueux".
Un courant d'air vif et soudain ouvrit la fenêtre de sa chambre et Éli sauta sans hésiter. Une force l'animait, comme si le vent l'emportait dans une course folle. Elle volait presque au-dessus des maisons, des jardins, des forêts. Et puis,...la mer. La mélodie de cette géante l'enveloppa d'une tendresse si pure et bienveillante qu'elle s'abandonna et s'effondra d'épuisement.
Quand elle ouvrit les yeux, la nuit était tombée. La nuit de la veille de la fin. Elle était seule. Elle était calme et quelque chose en elle souriait. L'inconnu souriait, l'immensité souriait ! La phrase de son grand-père lui semblait moins énigmatique sans qu'elle ne sache vraiment pourquoi. Et elle se mit à chanter :
"Moi j'fais ma vie, j'ai 12 ans, j'me tire d'icitte. Moi j'fais ma vie, j'ai 12 ans, j'me tire d'icitte".